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Newsletter Avril 24 : Les merveilleux nuages

Ces « merveilleux nuages » que nous décrit Harry Bernas, ce sont les nuages de paroles dont nous sommes abreuvés concernant le présent et l’avenir du nucléaire. Repartant de l’histoire et de la réalité actuelle du nucléaire, l’auteur « ne cache pas son indignation à l’égard de discours et de décisions, présidentiels ou autres, sans rapport avec la réalité des moyens, des gens et des risques ».

Pour appuyer son discours, Harry Bernas cite la phrase de l’amiral Hyman Rickover, en charge de la construction des premiers réacteurs nucléaires pour sous-marins aux Etats Unis dans les années 1950 : « Les protagonistes de réacteurs théoriques ont le temps et l’innocence pour eux. Incapables de discerner les difficultés réelles, ils parlent avec facilité et confiance. Les praticiens, rendus modestes par expérience, parlent moins et se font du souci. ». Cette phrase trouve un écho à la fois dans les déboires de l’EPR de Flamanville et dans le film de Christopher Nolan « Oppenheimer » qui raconte la construction de la première bombe atomique dans le cadre du projet Manhattan.

Dans l’échange entre François Marie Breon et Yves Marignac qui constitue la trame de « Peut-on se passer du nucléaire », les deux auteurs expriment des avis différents sur la possibilité d’aller rapidement vers un modèle de société beaucoup plus sobre et utilisant au maximum les énergies renouvelables (et donc de se passer du nucléaire). Cependant, ils rejoignent le constat d’Harry Bernas sur le caractère incantatoire des discours actuels sur le nucléaire « faire le choix de conserver une capacité de production nucléaire importante à l’avenir n’est pas sans difficultés ». « On ne fera pas l’économie de la construction d’une vision à long terme du système électrique et du chemin pour l’atteindre ».

Dans un article paru dans « The Conversation » du 18 mars*, Christian de Perthuis s’inquiète des « liaisons dangereuses » qui consiste à lier lutte contre le changement climatique et relance du nucléaire : « sous l’angle économique, l’urgence climatique n’est pas un argument pertinent pour justifier la relance du nouveau nucléaire » conclut-il.

Ce qui est sûr, c’est que le sujet du nucléaire est beaucoup plus complexe – y compris les implications militaires – que ce que les discours officiels peuvent laisser croire. Il faut sortir de décisions technocratiques pour ouvrir largement le débat sur ce qui est clairement un choix de société. Comme le dit Harry Bernas, « L’énergie, y compris nucléaire, a vocation à être un bien commun, indépendante des fluctuations de marché et soumise à l’examen des citoyens ».