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LA TROISIÈME VOIE DU VIVANT

Olivier Hamant, Editions odile Jacob, 2022

Olivier Hamant est un chercheur en biologie qui dirige l’Institut Michel Serres à l’École normale supérieure de Lyon. S’inspirant de la pensée du philosophe Michel Serres (le Contrat Naturel en 1990), Olivier Hamant a analysé les modes de fonctionnement du vivant (« hétérogénéité, redondance, aléas, gâchis, lenteur, incohérence« ) pour en tirer des enseignements pour le fonctionnement de nos sociétés humaines. À côté de la circularité et de la coopération, la troisième voie du vivant, c’est la robustesse. « Le vivant ne met pas l’accent sur la performance, mais sur la robustesse« , ce qui signifie souvent la sous-optimalité.

Le premier chapitre est une analyse rapide de la situation où nous a conduit « l’âge de la performance« . La grande accélération et l’impact majeur que l’homme a sur la planète (anthropocène) sont intimement liés à notre vision de la performance et de l’optimisation. « Je fais l’hypothèse qu’un moteur essentiel de l’anthropocène est notre conception de l’optimisation« . Et parmi les catalyseurs de cette course vers la performance, il y a les guerres qui ont de tout temps été des catalyseurs de l’optimisation. « Notre tropisme vers l’efficacité et l’efficience paraît décidément bien fort avec ses pulsions intimes, ses catalyseurs militaires, son cœur financier et ses contradictions systémiques« .

Le chapitre suivant analyse « les différents scénarios de réponse à l’anthropocène » : le statu quo, l’activisme, le développement durable, l’illusion de la transition, l’optimisation de la terre, le catalyseur numérique… Aucun de ces scénarios ne fonctionne vraiment : « Entre le hiatus temporel de la psychologie humaine, les rétroactions multiples, le besoin d’invoquer une béquille numérique pour accélérer le changement et les contradictions du développement durable, quelque chose cloche dans notre négociation avec la planète ».

L’auteur se tourne alors vers le vivant dont le fonctionnement en sous-optimalité doit nous inspirer « Nous allons devoir apprendre à coexister avec la planète pour survivre. En quoi le vivant peut, il nous aider à dessiner une trajectoire robuste, capable de dépasser notre tropisme vers la performance et les fluctuations de l’anthropocène. Le concept de sous-optimalité pourrait nous éclairer. »

Il détaille ainsi les mécanismes de la sous-optimalité tels que les biologistes peuvent le rencontrer dans leurs travaux de recherche : aléatoire, redondance, gaspillage, fluctuation, hétérogénéité, lenteur, hésitation, incohérence, imprécision, erreur, inachèvement. Un chapitre passionnant, mais un peu ardu à lire pour les non-biologistes.

« Les mécanismes de la sous-optimalité biologique ne sont pas forcément réplicables ou déclinables, mais peut-être peut-on y trouver quelques idées, ou a minima les premiers éléments d’une critique du tropisme vers l’optimisation dans nos sociétés ».

Dans la dernière partie de l’ouvrage, l’auteur explore quelques signaux faibles « de cette troisième voie du vivant en cours de construction à travers de nombreux exemples dans les systèmes sociaux ».

Un ouvrage de référence pour comprendre que nous faisons fausse route avec notre vision de la performance à tout prix et que la robustesse doit devenir notre boussole dans un monde de plus en plus fluctuant.

La circularité implique d’être parfois contreperformant à court terme pour éviter les pièges des rétroactions à long terme. Le collectif implique d’être parfois contreperformant individuellement pour assurer la survie du groupe. La robustesse est par essence le chemin de la viabilité et elle se construit contre la performance. Le vivant nous le dit donc 3 fois : halte à la performance.

La troisième voie du vivant est un ouvrage dense, mais d’une lecture très facile (sauf peut-être le chapitre sur la résilience du vivant qui demande quelques connaissances en biologie). Pour ceux qui voudraient avoir un résumé de sa pensée, Olivier Hamant a publié en 2023 dans la collection Tracts de Gallimard un petit livre de 50 pages « Antidote au culte de la performance » (voir chronique).