Olivier Hamant, Tracts , Editions Gallimard, 2023
« Hétérogénéité, redondance, aléas, gâchis, lenteur, incohérence » sont des mots repoussoirs dans notre société qui vise en permanence la performance. Et pourtant nous dit Olivier Hamant, ces mots sont les mots-clés de la robustesse… Et cette robustesse, qui est la caractéristique principale du vivant, nous allons en avoir besoin dans un 21e siècle qui sera extrêmement fluctuant.
Olivier Hamant a écrit plusieurs ouvrages autour du thème de la robustesse (la troisième voie du vivant en 2022, l’entreprise robuste en 2025) .
Le grand mérite de ce petit ouvrage (une cinquantaine de pages), c’est d’être une synthèse des idées développées dans les autres ouvrages et de nous fait comprendre de manière très pédagogique comment la robustesse est l’antidote au culte de la performance, performance qui est en train de mener notre société à la catastrophe. « La croissance donne l’illusion de l’abondance alors qu’elle crée la pénurie. Elle dessine une trajectoire de progrès alors qu’elle menace la viabilité de l’humanité sur terre. »
L’ouvrage est construit en 3 grandes parties :
– Dans un premier temps, l’auteur nous fait un panorama de là où nous mène notre culte du contrôle, de l’optimisation et de la performance : indicateurs qui s’autojustifient, réductionnisme et séparation en problèmes élémentaires plutôt qu’approche systémique, effets rebonds, destruction sociale et dégradation des services publics, aliénation aux machines, technocratie, guerres, destruction des écosystèmes.
« Ni le développement durable ni la sobriété ne questionnent frontalement l’injonction de performance. Pire, ils peuvent continuer à la légitimer ou la décliner sous d’autres formes. »
Et l’adaptation est aussi une impasse qui ne construit que des futurs obsolètes. « Dans un monde turbulent, il nous faudra basculer de l’adaptation vers l’adaptabilité. »
– « Qui d’autre que les êtres vivants pour nous aider à basculer vers l’adaptabilité ? » L’auteur fait alors un détour par sa spécialité, la biologie intégrative et systémique. « Disons-le très clairement, le vivant n’est pas performant : il n’est ni efficace (il n’a pas d’objectif) ni efficient (il gâche énormément d’énergie et de ressources)« . À tous les niveaux des systèmes vivants, on trouve de « l’hétérogéneité, des processus aléatoires, des lenteurs des délais, des redondances, des incohérences, des erreurs et de l’inachèvement« . Par contre, les êtres vivants sont robustes : ils « ont développé des marges de manœuvre très importantes pour ne pas tomber en réponse au caractère fondamentalement imprévisible de leur milieu. »
– Dans un troisième temps, l’auteur nous fait toucher du doigt ce que signifierait pour notre société de passer d’une injonction de la performance au développement de la robustesse. D’abord trouver les bonnes questions. « Si j’avais une heure pour résoudre un problème, je passerais cinquante-cinq minutes à définir le problème et seulement cinq minutes à trouver la solution » disait Einstein.
Ensuite, sous forme de petits chapitres de une à deux pages, l’auteur ébauche des pistes : produire pour nourrir les écosystèmes, la circularité avant l’efficience, une économie de l’usage contre la propriété, le lowtech citoyen, innover contre la performance, recarboner l’économie, faire commun : relier grâce aux contradictions, travailler moins pour vivre mieux, la santé commune comme levier économique, devancer le long terme, l’école : se dépasser avec l’aide des autres
Les dernières pages de l’ouvrage sont consacrées à des réponses qu’Olivier Hamant apporte à des questions qui lui ont été régulièrement posées.
Un petit livre à lire absolument pour comprendre qu’il « est physiquement impossible d’être à la fois très performant et très robuste. Une fois cette donnée prise en compte, c’est à nous de choisir comment habiter le monde sinon, c’est le monde qui le fera pour nous ».