Corinne Lepage et Christian Huglo, Actes Sud 2021
Corinne Lepage et Christian Huglo sont avocats (Corinne Lepage a été ministre de l’environnement). A ce titre ils ont participé à quasiment toutes les grandes aventures judiciaires des 50 dernières années, depuis l’Amoco Cadiz jusqu’au « procès » Monsanto, en passant par des affaires de pollutions marines (les boues rouges de Montedison), les centrales nucléaires, les grandes infrastructures (ligne très haute tension du Verdon, pont de
l’ile de Ré…), ou les affaires sanitaires, comme le poulet à la dioxine.
Ce sont 50 de ces affaires que les auteurs nous racontent en nous montrant sur chacune d’elle comment ils ont « imaginé une stratégie de contournement, une nouvelle interprétation d’une règle ou d’une jurisprudence parfaitement connues, retrouver dans les base du droit, dans les principes fondamentaux, la source d’une réponse à une situation parfaitement inéquitable et insupportable ». Chacune de ces 50 histoires est très facilement accessible, car les auteurs font œuvre de pédagogie pour nous expliquer en termes simples les subtilités juridiques.
A travers toutes ces histoires, on voit évoluer le droit de l’environnement au cours des 50 années qu’elles traversent. On capte aussi l’importance des juges de première instance : « Grace à l’action des juges, le droit a pu s’imposer non seulement comme une véritable force, mais également comme un vecteur important d’innovation de nos sociétés ».
Par contre, on peut constater que « l’inertie, voire l’aveuglement, face à ce qui nous attend, nous, mais aussi nos descendants, reste encore la règle de l’action politique dominante ». Cette résistance du politique se traduit par un Conseil d’Etat qui désavoue souvent les décisions des juges : « le Conseil d’Etat a trop longtemps joué un rôle globalement négatif sur le développement du droit de l’environnement ».
Et les auteurs ne sont pas tendres pour le pouvoir politique en place au moment de l’écriture du livre (2020-2021). « Depuis 3 ans, nous assistons à une déconstruction systématique, à une échelle industrielle du droit de l’environnement, dont le public a d’autant plus de mal à prendre connaissance que cette politique est en parfaite opposition avec la communication officielle ».
L’ouvrage se termine par des propositions pour rendre le droit et les juges encore plus efficaces pour protéger l’environnement et la santé. Dans ces évolutions, on peut retenir la réflexion très juste sur l’évolution nécessaire « du rapport entre urgence climatique et écologique, et maintien sous leur forme actuelle du droit de la propriété et de la liberté d’entreprendre ». Sont visées en particulier les conventions internationales de type CETA
« dont un des objectifs majeurs est de priver les justiciables de leur juge naturel et de permettre aux multinationales de poursuivre les Etats qui auraient la mauvaise idée de protéger leurs populations ».
En conclusion de ce livre passionnant qui survole 50 ans de batailles juridiques, on peut retenir que si « le droit de l’environnement, né au début des années 1970 était à l’origine un droit très technique …. Il est aujourd’hui devenu le cœur du droit de survie de l’humanité ».