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LA DERNIÈRE ÉTREINTE

Frans de Waal, Editions Les Liens qui Libèrent, 2020

La dernière étreinte, c’est celle de Mama , une femelle chimpanzé de 59 ans aux portes de la mort faisant ses adieux à Jan van Hooff , un professeur de biologie de 80 ans avec qui elle a travaillé pendant 40 ans dans un zoo néerlandais. Cette scène assez unique d’un chimpanzé manifestant des sentiments de joie et étreignant amicalement un humain sert de départ pour Frans de Waal, un des plus célèbre éthologue et primatologue, à une réflexion sur les émotions des animaux.
Pendant longtemps les humains, et parmi eux les scientifiques, ont nié la possibilité pour les animaux d’avoir des émotions. « Aujourd’hui, il est difficile de trouver un scientifique qui nie aussi radicalement les émotions des animaux, mais beaucoup sont mal à l’aise quand ils abordent le sujet ». Observateur des animaux et en particulier des grands singes depuis des dizaines d’années, Frans de Waal ne se pose pas la question « Personnellement, je ne me suis jamais demandé si les animaux avaient des émotions, mais comment la science avait pu les négliger depuis si longtemps ».
Comme tous les livres de Frans de Waal (voir l’Age de l’Empathie ), celui-ci fourmille
d’exemples et d’anecdotes. A travers ces anecdotes, l’auteur illustre la variété des émotions des animaux, principalement les grands singes qu’il connait le mieux : Empathie et sympathie, dégout, honte, culpabilité. Il aborde aussi la soif de pouvoir ou le besoin de
justice. On en ressort convaincu de l’existence d’émotions fortes chez les animaux,
émotions qui contribuent à l’organisation de leur vie en société.
Si l’existence d’émotions traduites par des expressions corporelles chez les animaux est
scientifiquement démontrée, l’auteur va plus loin en spéculant sur l’existence chez les
animaux de sentiments analogues à ceux des humains « Quand on voit à quel point les
animaux agissent comme nous, ont les mêmes réactions physiologiques, les mêmes
expressions faciales et possèdent le même type de cerveau, n’est-ce pas étrange de penser
que leurs expériences intérieures sont radicalement différentes »
Tous les exemples qu’ils présentent sont aussi l’occasion pour Frans de Waal de nous parler
de nous. Nous prétendons être des êtres rationnels. En fait, « Les émotions sont une partie
essentielle de notre intellect. Hélas, l’idée qu’elles sont à part est tellement enracinée dans
notre esprit qu’elle sévit dans de nombreux cercles ». Comme dans le cas des sociétés
animales, les émotions structurent nos sociétés d’une manière dont nous n’avons pas
conscience : « les institutions et les réalisations qui nous sont chères sont inséparables de nos
émotions : elles n’existeraient pas sans elles ».
Un livre qui nous permet à la fois de plonger dans le monde des émotions animales, mais
aussi de relativiser notre prétendue supériorité humaine sur le monde animal.