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TOUS INEGAUX, TOUS SINGULIERS

Repenser la solidarité
François Dubet, Editions du seuil, 2022

François Dubet est professeur émérite de sociologie. Dans l’ouvrage « Tous inégaux, tous singuliers », il ne nous parle pas des très grandes inégalités, mais plutôt « des inégalités relativement modérées », des « petites inégalités auxquelles nous sommes directement confrontés, soit pour les défendre, soit pour les combattre, des inégalités avec lesquelles nous vivons tous les jours ».

Prenant du recul, il nous décrit comment nous sommes passés d’une société de castes, avant la révolution, à une société de classes pendant la révolution industrielle. Dans les deux cas, il y avait des groupes relativement homogènes (les nobles et les paysans, les bourgeois et les ouvriers). Il y avait des inégalités, mais au sein d’une classe, les niveaux de vie étaient relativement homogènes.

Les mutations du capitalisme et la mondialisation ont conduit à une forte évolution. On est passé d’une inégalité des places (la réduction des inégalités entre les différentes classes sociales) à une inégalité des chances : dans ce nouveau modèle, il faut que tous aient les mêmes chances de progresser et à partir de là, c’est chacun pour soi.

Toutes les discriminations (de genre, de race, de territoire…) deviennent alors des obstacles à l’égalité des chances. D’où un sentiment de multiples inégalités : « Dans ce régime des inégalités multiples, chaque individu se sent inégal en fonction des inégalités qui le traversent ». Le ressenti des inégalités est beaucoup plus fort que ce que montre la réalité statistique. La « disparition des filtres et des organisations qui canalisaient l’action collective » fait que chacun peut avoir le sentiment « d’être un mouvement social à lui tout seul ».

On est ainsi passé d’un clivage exploiteur/exploité à un clivage gagnant/perdant, ce qui génère un très fort sentiment de risque de déclassement. On constate ainsi une colère chez beaucoup qui ont l’impression d’être méprisés. Ce qui explique les évolutions politiques actuelles avec la montée des populismes qui surfent sur cette colère.

« La pleine égalité des chances menace aussi la solidarité ou la fraternité, car celui qui ne doit son succès qu’à lui-même ne doit rien aux autres, pendant que celui qui n’a pas de mérite ne peut s’en prendre qu’à lui-même ». Si l’analyse des inégalités et des discriminations est très complète et permet de comprendre pourquoi il faut repenser la solidarité – le sous-titre de l’ouvrage -, l’auteur ne s’engage pas dans des propositions en ce sens.

Un livre facile à comprendre pour un non-expert de sociologie, qui fait une analyse très fine de l’évolution de notre société.

Si vous n’avez pas le temps de lire, les idées développées sont bien présentées dans une conférence de François Dubet en 2023 : https://www.youtube.com/.