J’ai entamé la lecture du livre de Jean Pierre Le Goff avec enthousiasme et au fur et à mesure, j’ai été envahi par un certain malaise
Le propos de l’auteur est que pour affronter la violence du monde, il faut en finir avec l'individualisme, l'angélisme et le conformisme ambiants. « Revenant sur l’origine de l’individualisme, ce livre montre le lien paradoxal entre le modernisme et la contre-culture des années 1960 et 1970, qui s’est trouvée banalisée et intégrée à la culture dominante, aboutissant à l’hégémonie du ‘’gauchisme culturel’’, à un conformisme individualiste de masse se présentant sous les traits de l’anticonformisme, de la fête et de la rébellion qui vit à l’abri de l’épreuve du réel et de l’histoire tout en ayant tendance à se prendre pour le centre du monde. C’est tout un monde à part qui s’est créé et a accentué les fractures de la société en ignorant et en méprisant ceux qui n’entraient pas dans ce modèle »
Pour faire son analyse, Jean-Pierre Le Goff retient cinq domaines qui sont pour lui les points nodaux du malaise français : l’individualisme, l’éducation, le travail, la culture et le religieux, Ce ne sont pas des sujets nouveaux pour lui, puisqu’il les a déjà depuis une trentaine d'années, développé dans ses précédents livres : Les Illusions du management; Mai 1968, l'héritage impossible; La Barbarie douce. La modernisation aveugle des entreprises et de l'école…
Il dénonce pèle mêle la "glorification égocentrique du petit enfant", les dégâts des pédagogues militants, les nouvelles pratiques managériales, les ravages du chômage de masse en même temps que se développe l’exaltation de la culture festive, le développement de nouvelles formes de religiosité diffuse …
Et c’est là qu’arrive le malaise : car, au-delà de ce que certains pourront appeler un exercice de lucidité et d’autres de la critique systématique (il n’y a pas beaucoup de tendances actuelles, ni de personnes qui trouvent grâce à ses yeux), on ne voit pas vraiment de proposition si ce n’est de revenir aux valeurs de notre héritage européen et de la république.
Voulant comprendre le malaise éprouvé en lisant cet ouvrage, j’ai écouté un échange sur France Culture entre Alain Caillé et Jean Pierre Le Goff sous la direction d’Alain Finkielkraut, et ai noté la remarque d’Alain Caillé parlant, à propose de cet ouvrage, d’une « vision de la France d’aujourd’hui vue avec les yeux des années 1970 ». Effectivement, on sent dans l’ouvrage une forme de refus « en bloc » de nouvelles visions portées par Pierre Rabhi , Nicolas Hulot ( qu’il critique explicitement dans l’ouvrage), ou Edgar Morin ou Patrick Viveret qu’il critique dans l’interview
Un ouvrage qui peut être lu pour son analyse de la situation qui, si elle va souvent trop loin, donne un point de vue intéressant pour croiser les regards. Mais ne pas en espérer des pistes pour le futur.