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MÉTAUX, LE NOUVEL OR NOIR – DEMAIN LA PÉNURIE ?


Emmanuel Hache, Benjamin Louvet,

Editions du Rocher, 2023


« Il y a encore peu de temps, la question des métaux demeurait un impensé des politiques énergétiques et des politiques publiques. Mines et métaux avaient été rangés au placard de l’histoire économique et industrielle de nombreux pays européens, dont la France ». La double transition énergétique et numérique a fait revenir sur le devant de la scène la question des métaux. Car ces deux transitions sont extrêmement gourmandes en métaux.

« A terme, nous risquons de transformer une dépendance aux énergies fossiles en une nouvelle dépendance aux minerais et aux métaux ». Le livre de Emmanuel Hache (économiste à l’IPEN et à l’IRIS ) et Benjamin Louvet ( gérant d’actifs ) est un excellent panorama des enjeux des métaux avec beaucoup de données récentes. Un panorama plutôt inquiétant confirmant beaucoup de ce que tous avions écrit en 2010 avec Philippe Bihouix (Quel futur pour les métaux, Philippe Bihouix, Benoit de Guillebon, EDP sciences 2010).
Si le ton des auteurs est modéré – peut être un peu trop politiquement correct – les réalités sous-jacentes sont là. « Il existe des craintes que les métaux puissent freiner les ambitions en matière de décarbonation des différents secteurs de l’économie ». Les chiffres cités par les auteurs montrent que, pour atteindre l’objectif climatique de 2°C, sans une politique forte de sobriété, il nous faudrait consommer 90% de toutes les ressources connues de Cuivre en 25 ans …sans rien laisser aux générations futures.
« D’une manière générale, la question des besoins en eau pour la production des métaux pourrait être limitante pour certaines régions productrices du globe ». Or, nous savons déjà que certaines mines pompent tellement d’eau que les populations environnantes n’en ont plus assez pour leur consommation.
Dire que « C’est l’ensemble de la géopolitique mondiale qui sera impactée par les perspectives minières et métalliques de la transition » est une manière polie de dire que les pays occidentaux sont très dépendants de la Chine qui non contente d’avoir dans son sous-sol de très belles ressources en minerais «  poursuit une politique de domination sans précédent dans le secteur du raffinage des métaux et possède une industrie métallurgique avec de nombreux fleurons internationaux». Et la Chine n’hésite pas à se servir de cette position dominante : en décembre 2023, elle a interdit l’exportation de technologies liées aux métaux stratégiques.
« Le temps de mise en production (d’une mine)… pourrait constituer un goulot d’étranglement majeur pour les décennies à venir ». Effectivement, il va falloir rouvrir des mines dans des pays où la culture minière a complétement disparue et développer des mines dans des pays où la résistance des populations augmente. On n’y est pas encore vraiment : « si de nombreuses initiatives politiques ont été prises, il faut dépasser le seul stade des discours ».
En résumé, malgré le ton qui se veut optimiste des auteurs, on sent bien qu’ils nous décrivent un enjeu majeur pour l’humanité et que toutes les solutions technologiques imaginées ( « la mine propre ») ne suffiront pas si nous ne changeons pas de cap. «Sommes-nous prêts à accepter ces transformations systémiques de nos manières de fabriquer, de consommer et, tout simplement de vivre », nous disent -ils. Un livre très utile à lire en complément d’un autre livre paru quasiment en même temps « La
ruée minière au 21e siècle » de Celia Izoard (voir chronique).