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VERS UNE RÉPUBLIQUE DES BIENS COMMUNS

Nicole Alix, Jean louis Bancel, Benjamin Coriat , Fréderic Sultan, Les Liens qui Libèrent , 2018

En 2016 pendant une semaine, se sont tenus au centre des congrès de Cerisy des échanges très riches autour du sujet des « communs ». Les débats ont contribué à la création d’une structure associative, la coopérative des communs dont l’objectif est d’améliorer la compréhension par tous de cette notion polysémique qu’est la notion de communs : « Hier sujet d’experts, les communs sont devenus un mot passe partout de la «transition» écologique et solidaire, désignant pêle-mêle des jardins partagés, des logiciels libres, des encyclopédies en ligne, des mutuelles de travail, des plateformes numériques, des circuits courts… Préciser ce qui en relève, apprendre à distinguer communs, biens communs, biens publics mondiaux, est indispensable…»( extrait de la page d’accueil du site de la coopérative des communs ). 

L’ouvrage « La république des communs » est dans la droite ligne des travaux du colloque de Cerisy et de la coopérative des communs : « Préciser ce qui relève du commun (et ce qui n’en relève pas), établir des définitions et des critères de distinction, aider à mieux comprendre ce qu’est un commun, comme la ou les communautés qu’il sert et dont il se nourrit, tel est le premier des objectifs que cet ouvrage se fixe ». Les communs, c’est cette zone où l’on n’est pas encore dans ce que les romains appelaient les res publicae , « ces choses qui appartiennent à tous et dont l’usage est commun à tous », mais ou doit être limité le droit de propriété, car les actions d’un individu ont une incidence sur le bien-être d’autres individus. L’ouvrage est structuré autour de 5 grandes parties, chacune ouverte par une introduction et complétée par 3 à 5 contributions d’experts, qui nous donnent à voir toutes les formes de communs qui ont pu exister ou qui existent actuellement :

-Commun travail et salariat, avec les communs que représentent les différentes formes de coopératives (de production, coopératives d’activités et d’emploi). « Saisis dans des jeux de relations marchandes complexes ….les communs pour s’étendre et s’imposer ont devant eux bien des obstacles à affronter et bien des solutions nouvelles à apporter ». 

-Commun et entreprenariat, ou l’on parle d’entreprise à mission, de responsabilité sociétale des entreprises, de mouvement coopératif, de partage du pouvoir dans les plateformes collaboratives, des « business model » du commun. « Les communs constituent ainsi à la fois des canaux d’irrigation de l’action collective contre l’asséchement qu’entraine la séparation des pouvoirs et des grains de sable contre le prêt-à-porter, voir l’uniforme, dans les modes d’entreprendre ».  A travers cet ouvrage, les auteurs traitent clairement « la question de la proximité comme celle de la distance des communs avec les pratiques et les expériences des entreprises qui relèvent traditionnellement de l’ESS (associations, mutuelles, coopératives) ». 

– Commun et le numérique « le caractère non rival des ressources informationnelles fait de celles-ci un domaine rêvé, tout désigné pour le partage des communs ». Et pourtant de grandes entreprises sont à même d’accaparer à leur profit exclusif une large partie de la valeur créée en commun. A travers les différentes contributions, on peut voir que « les solutions permettant la pérennisation des communs numériques ne sont pas encore disponibles et livrées en « kit », mais que « des pistes et des voies multiples sont en gestation ou déjà en expérimentation »

– Communs, villes et territoires « parler des communs, c’est aussi et nécessairement parler de la démocratie ». Cette partie illustre comment l’initiative citoyenne, en s’inscrivant dans la ville ou le territoire, peut servir le bien commun. Elle nous emmène voir des pratiques collectives italiennes, comprendre la démarche « Barcelone en commun » ou observer des cas de réappropriation par les salariés (et les acteurs du territoire) d’entreprises mises en liquidation.

-Communs, acteurs et action publique illustre la complexité de la relation des communs aux acteurs publics et nous emmène à la fois dans l’histoire (la vision des communs lors de la révolution française) et au sein des communautés berbères du Maroc. On y découvre comment les biens publics peuvent disparaitre pour devenir des biens de l’Etat, mais aussi l’apparition de « graines juridiques et politiques » qui permettront de redévelopper les communs « au milieu de la cour bien pavée du droit fondé sur le caractère inviolable et sacré de la propriété ». Ce qui ressort de l’ensemble de ces présentations, c’est que le développement des communs n’est pas simplement un ajustement du système capitaliste, mais une nouvelle approche : « Le commun, la multiplicité des formes dans lesquelles il s’affirme et se déploie, n’est pas destiné à venir combler les trous d’un monde capitaliste et marchand voué, ad vitam aeternam, à dicter sa loi de fer ». C’est pourquoi le travail engagé par la coopérative des communs est de rassembler l’ensemble des ilots de communs que l’ouvrage illustre bien et commencer à préfigurer et à anticiper dans la pensée comme dans l’action ce que pourrait être une « république des communs ».

« Les mille et un exemples de communs en gestation, déjà installée ou en voie de gestation, donnés tout au long de ce livre, la richesse des débats auxquelles ils donnent lieu, attestent au moins de cela : quelque chose autour des communs est bien en cours…Et qui, clairement, n’est pas près de s’arrêter ».

Malgré tous les efforts de synthèse et de pédagogie des auteurs, c’est un ouvrage expert qui demande un peu d’attention et quelquefois des connaissances préalables.